Tous ensemble !

J’avoue qu’il peut y avoir entre Jeff et moi une certaine rivalité.

Nous nous apprécions, le fait est indéniable. Seulement chacun de nous veut commander. Jeff, le moderne, qui descend de son train pour une visite éclair. Ma pomme, l’ancien, rivé à son appartement comme une moule à son rocher.

Indéracinable autant que je pourrai.

Jeff est un chef né. Entrepreneur, du reste. Un type vraiment décidé.

En ce qui me concerne, Alphonse, je suis une grande gueule et j’ai pour moi l’ancienneté. Et puis ici, c’est chez moi. Mon foyer changé en forteresse dans l’éventualité, sûrement plus que probable, d’un effondrement général.

Pour Jeff, ce n’est qu’une base de repli. Jeff a certainement mieux chez lui, mails il apprécie aussi les valeurs sûres, et un vieux de 94 piges, quoi de mieux comme valeur sûre ?

Ca, pas de doute, en tant que base solide, je me pose là !

Et puis Jeff a-t-il vraiment le temps avec toutes les exigences de sa profession de réunir la bande de cinglés indispensable ?

Pas de survie possible en cas de coups durs en dehors de ces groupes soudés et parfaitement préparés. Retour, si le monde sombre, à l’âge de pierre, à l’âge des clans. Le survivalisme urbain, c’est de l’entre soi.

En aucun cas un truc de solitaire.

L’individualiste, c’est malheureux à dire, est une proie facile lorsque tout se casse la gueule. Surtout la loi.

J’ai beau avoir le cul un peu trop bien vissé à mon fauteuil, j’ai le contact facile. Sitôt que je ne parle plus aux murs, je sais y faire pour soigner ma popularité.

Lorella, la gamine, devant Jeff l’élégant quadra minaude. Elle aime séduire comme tous les gosses, quant à lui, c’est un conquérant qui cherche à plaire.

Seulement l’affaire, m’a-t-elle confié, à chaque fois tourne court. Comme tout homme face à une jeune et jolie femme, Jeff est une proie, mais c’est aussi une anguille qui ne répond pas aux attentes de Lorella. Chaque fois il échappe à ses rets.

Tant de savantes manœuvres d’évitement lui mettent la puce à l’oreille à la gamine…